Adiós a Mamá

 

La Cie. Septembre

présente

 

“Adiós a Mamá”

Reinaldo Arénas

 

 

Mise en scène : Philippe Ricard

Interprétation : Denis Lavant

 Musique : Arnaud Méthivier

 Traduction : Liliane Hasson

                  

                  

                                                       

« En raison de mon état de santé et de la terrible dépression qu'elle me cause du fait de mon incapacité à continuer à écrire et lutter pour la liberté de Cuba, je mets fin à ma vie [...] je veux encourager le peuple Cubain dans l'île comme à l'extérieur, à continuer le combat pour la liberté. [...] Cuba sera libérée. Je le suis déjà. »

Reinaldo Arénas, le 6 décembre 1990

Reinaldo Arénas

 

Reinaldo Arénas est né à Holguín le 16 juillet 1943. Abandonné par son père, il grandit dans une famille paysanne pauvre.

 

À 13 ans, il montre déjà des talents d'écrivain, de poète. Il s'engage auprès des révolutionnaires castristes pour les aider à triompher du dictateur Batista.

 

La révolution achevée, il étudie à l'université de La Havane puis travaille pour la Bibliothèque Nationale José Martí. Il doit alors tout au régime castriste, qui lui a offert l'éducation et un travail. Il rêve d'embrasser une carrière d'écrivain.

 

Son premier roman Celestino antes de alba (Les chants du puits) s'est distingué au concours national d'écriture.

Il se satisfait d'autant mieux du régime qu'il peut profiter pleinement d'une grande liberté sexuelle, et vivre librement son homosexualité.

 

Les persécutions du régime castriste : un tournant

 

Le pouvoir veut bientôt reprendre en main les Cubains. La révolution culturelle de l'île prend une facette plus dure.

Les écrivains doivent censurer leurs écrits, les homosexuels sont considérés comme déviants.

 

Arénas commence à subir les persécutions des autorités, mais il continue d'écrire et de vivre sa sexualité comme il l'entend afin de pouvoir demeurer libre.

Il ne peut plus faire paraître ses œuvres sur l'île mais parvient à les envoyer illégalement à l'étranger. Le peintre cubain Jorge Camacho, exilé en France, l'aide à faire paraître ses livres dans le reste du monde.

 

Ses critiques contre le pouvoir et son homosexualité lui valent de connaître la prison et les camps de réhabilitation par le travail. Cela ne l'empêchera jamais d'écrire. Tous les moyens sont bons pour transmettre ses écrits.

 

Il quitte l'île en 1980, au cours de l'exode de Mariel, en compagnie de milliers de “rebuts de la société” expulsés par le régime cubain.

 

Sa mort

 

En 1987, Arénas apprend qu'il est atteint du sida.

En 1990, après avoir lutté contre la maladie, il met fin à ses jours en absorbant un mélange d'alcool et de médicaments.

 

 

NOTES D’INTENTIONS

 

 

[16 juillet 1943 - 6 décembre 1990]

 

Deux dates sur une pierre tombale…

Quarante sept ans et demi…

Une œuvre artistique laissée, qui nous fait toucher les étoiles…

Œuvre laissée, telle un vitrail…

Lumière céleste, irradiante qui rend beau celui qui le lit…

Et pourtant à y regarder de plus près… dans les détails… d’un peu plus près justement…, on pourrait y voir ce qui n’est pas convenu de décrire comme “de la Beauté”…

 

Reinaldo Arénas écrit avec excès.

Sûrement a-t-il vécu avec excès, et pour cause, on ne vit pas sa jeunesse sous un régime liberticide.

Aussi, ses images sont un florilège d’excès pour chacun des sens.

Excès de couleurs, de senteur, de visions, allant sans limites où bon lui semble au triple galop de son imaginaire.

 

Arénas, écrivain cubain, vivra la révolution castriste puis souffrira de sa dictature au point de ne pouvoir exister qu’en contournant l’oppression ;  en la déjouant et en bénéficiant d’opportunités pour exister en tant qu’artiste homosexuel sinon dans son île natale, du moins à l’étranger lorsqu’il pourra la fuir en 1980.

 

“Adiós a Mamá”

 

Nouvelle écrite en 1973 puis perdue, la deuxième version sort en 1980.

C’est l’année où Reinaldo Arénas parvient à fuir Cuba.

Une page de sa vie est tournée…

 

C’est aussi la fin de la Nouvelle, lorsque le narrateur arrive à s’extirper du glauque de la maison familiale où se décomposent depuis des semaines les corps de sa Mère et de ses quatre sœurs.

 

Adiós a Mamá est une métaphore de sa vie jusqu’à son départ de l’île.

La mère, récemment décédée, entraîne à sa suite ses enfants, (4 filles et un fils, le narrateur). Elle a le pouvoir, bien que morte, de les conduire comme sous hypnose, à se suicider.

Seul le narrateur, (le seul garçon de la famille) bien que possédé également, ne vaudra son salut qu’à l’Art…  

 

En effet, dans un effort qui lui coute énormément, il se remémore un film et le nom de l’actrice qui interprétait le rôle : Ingrid Bergman…

Or au milieu des années 70, Reinaldo Arénas se marie avec une actrice qui subit aussi la censure du régime.

Cette femme se prénomme : Ingrid (!) 

 

Puis réussissant à rompre le charme qui l’unit au tas de décomposition où il est invité à finir, il s’extirpe par un petit bout de ciel bleu qui le conduit vers l’immensité du sable et son horizon de liberté pour les Etats-Unis en 1980.

 

En mettant fin à ses jours, Arénas choisit le suicide comme une expression de la liberté, alors que son héros, lui évite de le subir.

 

 

Un comédien “animal” pour interpréter ce texte

 

J’ai découvert Arénas il y a une quinzaine d’années par ce texte     Adiós a Mamá ; et depuis je le garde en moi, sachant qu’un jour je le monterai.

 

Après être passé par plusieurs spectacles “jeune” et ”tout” public, me voici (certes « imbécile » mais non « ignorant » et non « homme nouveau devant les choses inconnues »)  face à un texte comme     Adiós a Mamá

 

Le Théâtre à l’adresse d’un public jeune, consent à un imaginaire sans mesure. Quelque soit la convention, elle fait foi si on se donne les moyens qu’elle fasse foi justement, dans le choix des partis pris de mise en scène.

Avec Adiós a Mamá,l’imaginaire se dévers à foison.

 

J’ai apprécié que Denis Lavant lors de notre première rencontre lise un texte, certes fort et certes pouvant déranger, mais qui soit aussi ouvert sur quelque chose…

Or j’aime ces “quelque chose” comme des mystères non élucidés ou des gouffres sans fonds à nos pieds ou sur nos têtes. Des questionnements insondables et des immensités aussi vastes tant dans le microscopique que dans l’infiniment grand de l’univers.

 

Et nous pauvres humains, nous serions en mesure d’écrire des        Adiós a Mamá… ?

Et nous pauvres humains, nous serions capables de transmettre ce texte sur un plateau de Théâtre… ?  

 

Il faut donc un “comédien-animal” qui morde dans le texte comme un grand fauve, un des temps préhistoriques et que l’union des deux (texte et comédien) viennent souffler son haleine, là dans le creux du cou de chacun des spectateurs…

Arénas parle de l’Homme avec un grand H. de l’Homme et des Hommes qui font l’Histoire avec un grand H.

Or les Hommes ne sont pas tous grands et surtout pas tous les Grands hommes…  

 

Une chose est sûre, quelle que soit la vie de chacun des Hommes, la seule égalité est la fin, F…I…N.

 

Et elle n’est pas belle… elle ne sent pas bon…

Même celle du plus Saint des Saints n’est bonne, ni ne sent bon…

Et pourtant on peut espérer que l’Homme est perfectible…

Soit, mais la Mort nous renvoie une image négative.

À moins que ça ne soit qu’une image de perspective…

 

Bref ! il n’y aurait pas une petite porte par laquelle le narrateur de la nouvelle s’échappe, on pourrait éventuellement arriver à saturation ; mais Arénas est un Grand écrivain qui sait transposer le laid, pour nous offrir un texte d’une grande beauté, dur mais rempli d’espoir.

 

 

La musique d’Arnaud Méthivier

 

Ce qui me plait dans sa musique c’est sa sensibilité humaine. Dans la noirceur comme dans la légèreté, il apporte de la densité…

Nous nous étions rencontrés il y a 10 ans sur un projet dans lequel nous jouions tous les deux, lui de l’accordéon, moi comme comédien. Pour la création de Fragments ou la Vieille qui tricotait son Ombre… en janvier dernier, je lui ai demandé d’interpréter “celui par qui l’Ombre naît de toutes choses… ”

 

L’accordéon est un instrument charnel qui “dégoutte” les notes et pour Adios a Mama cela ne peut que s’unir parfaitement.

 

 

Quelques éléments de parti-pris

 

Comme pour tous projets, il y a des pistes que l’on couche sur papier et qui évoluent lors des répétitions.

  • Tombé sous le charme de cet écrivain, je veux faire entendre sa parole, aussi ai-je pris le parti de faire interpréter cette nouvelle par un seul comédien. La Musique en direct étant mixée depuis la régie son.

 

  • Le personnage du frère, (le Narrateur) sera placé en hauteur comme au bord d’une tombe fraîchement creusée où devrait être enterrée sa Mère.

Comme un pendant à ce trou, un autre qui prendra forme dans l’espace et qui s’avèrera être celui de la survie par où le Narrateur fuira.

Que sont ces  trous …!?

Symboles de passages, c’est ce qu’ils sont dans le texte.

 

  • De la fosse, sortira tout le long de la narration via un travail de projection vidéo, le fourmillement des animaux que l’auteur fait parler.

Car dans le texte, alors que la décomposition du corps non enterré de la Mère évolue, l’auteur fait intervenir des “Bestioles” sous trois formes poétiques :

-        Les Mouches

-        les Cafards et les Rats

-        les Vers

 

  • Les quatre sœurs du Narrateur seront interprétées par Denis Lavant. Elles ont des prénoms quasi semblables (Onélia / Ofélia / Odilia / Otélia), comme quatre corps pour une même voix. Elles finiront par rejoindre leur Mère dans un grand holocauste.

 

 

Extrait de Adiós a Mamá

Je crois,

leur dis-je à voix basse tout en me penchant,

que

 5.

le moment est venu de l’enterrer.

 6.

-Enterrer maman !

me crie Ofelia,

tandis qu’Otilia,

Odilia et Onelia me regardent,

tout aussi indignées.

 Comment !

Est-il possible que tu aies pu concevoir une atrocité pareille  ?

Enterrer sa mère !

 Toutes les quatre,

elles me regardent avec tant de fureur que par moments je crains qu’elles ne se jettent sur moi :

-Maintenant qu’elle est plus proche de nous que jamais.

Maintenant que nous pouvons rester jour et nuit à ses côtés.

Maintenant qu’elle est plus belle que jamais !

-Vous ne sentez donc pas cette puanteur,

et ces mouches ?…

escortée d’Otilia et d’Odilia.

-Une puanteur ?

dit Ofelia.

 Comment peux-tu dire que maman,

que notre mère,

pue   ?

 -C’est quoi la puanteur ?

me questionne Ofelia.

Tu sais par hasard ce que c’est,

la puanteur ?

 Je ne réponds pas.

 -Viens !

s’écrie de nouveau Ofelia :

lui,

ce n’est qu’un traître.

Elle,

à qui nous devons tout.

Grâce à qui nous existons.

Criminel !…

 -Elle n’a jamais senti aussi bon que maintenant

dit Onelia,

en aspirant profondément.

-Quel parfum,

quel parfum

-Odilia et Otilia,

en extase.

C’est merveilleux.

 

 

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